La nouvelle fierté d'être francophone en Louisiane
Le journal Canadien "La Presse" nous livre aujourd'hui un récit documenté et émouvant du vécu des francophones de Louisiane dont la langue, après avoir été longtemps proscrite et interdite, a bien failli disparaitre et renait aujourd'hui sous de nouvelles formes dans le pays Acadien.
Bien que le français de Louisiane ne soit plus la langue de la majorité et que bien peu l'utilise encore dans la vie de tous les jours, il retrouve petit à petit sa place dans la vie publique. Le plus important, c'est que cette langue retrouve le droit de cité et soit à nouveau aimée et parler avec fierté par les habitants des bayoux :
"Au coeur du pays cajun, les plus vieux se souviennent des punitions corporelles que leurs professeurs leur infligeaient afin qu'ils cessent de parler en français.
Un jour, Rita Dautreuil-Marks a eu le malheur de ne pas obéir. La punition n'a pas tardé. Vlan! Un coup de règle sur le bout des doigts! Elle raconte aussi que des enfants étaient parfois enfermés dans une salle sans éclairage et privés de dîner.
Merlin Fontenot, un Cajun âgé de 92 ans, dit que si on enfreignait la règle une première fois, la punition était d'aller copier 100 fois la phrase «I WILL NOT SPEAK FRENCH» (Je ne parlerai plus en français) au tableau. La récidive entraînait un coup de règle sur les jointures.
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Le déclin du français en Louisiane a atteint des proportions dramatiques. En une décennie, le nombre de francophones a chuté de 194 000 à 115 000 sur ce territoire qui a accueilli un certain nombre d'Acadiens déportés par les Britanniques, en plus de Créoles et d'Européens.
Quatre générations ont suffi pour compléter l'assimilation: des baby-boomers se rappellent de leurs grands-parents qui ne parlaient que le français et de leurs parents qui le parlaient la plupart du temps. Eux, ils utilisent principalement l'anglais tandis que leurs enfants ne parlent que la langue de Shakespeare.
Autre signe de cette lente disparition: une paroisse fondée en 1824 fut baptisée «Évangéline», du nom de l'héroïne d'un poème de Henry Wadsworth Longfellow racontant la déportation des Acadiens en 1755. Aujourd'hui, moins d'un résidant sur cinq parle encore le français.
Mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, les gens font preuve d'optimisme quand on leur parle de la survie de la langue dans ce coin des États-Unis.
Non seulement la Louisiane a-t-elle révisé sa Constitution, il y a 40 ans, elle a aussi créé une agence gouvernementale, le Conseil pour le développement du français en Louisiane (Codofil), dont le mandat est de promouvoir l'usage du français. David Cheramie l'a dirigé pendant 13 ans et il croit à un nouvel essor de la langue de Molière.
Bien sûr, le français n'aura jamais le statut d'antan, mais sa présence est perceptible.
Ce qui aide est le changement d'attitude des résidants à l'endroit du français. Jadis la langue des prolétaires, il est aujourd'hui un joyau patrimonial et sophistiqué.
Bref, le français est à la mode.
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